Politique

Gabon : désormais 12 000 signatures avec NIP pour créer un parti politique

L’Assemblée nationale gabonaise a adopté, lundi 17 juin 2025, deux projets de loi majeurs dans le cadre des réformes institutionnelles en cours. Le premier, relatif à la réforme des partis politiques, et le second, portant sur la répartition des sièges des députés et sénateurs. Si le second a obtenu 58 voix favorables, 5 contre et 6 abstentions, le premier texte a été validé par 59 députés, contre 7 avis défavorables et 3 abstentions. Parmi les mesures phares de la réforme des partis : l’obligation de réunir 12 000 signatures assorties du Numéro d’identification personnel (NIP) pour obtenir le droit de créer un parti politique.

Avant leur passage en plénière, ces projets de loi ont été examinés par la Commission des Lois, des Affaires administratives et des Droits de l’homme. Les ministres François Ndong Obiang (Réforme des institutions) et Hermann Immongault (Intérieur), tous deux coordonnateurs des comités ayant rédigé les textes, ont été auditionnés. À l’issue des travaux, la loi sur les partis politiques a été entérinée, introduisant un ensemble de dispositions qui pourraient profondément transformer le paysage politique gabonais.

Un seuil d’entrée élevé qui interroge

Parmi les nouvelles exigences : la démonstration de l’adhésion d’au moins 12 000 citoyens disposant d’un NIP pour toute demande de création d’un parti politique. Même les partis déjà existants devront se conformer à cette disposition sous peine de dissolution. Une exigence jugée contraignante par certains députés, à l’instar de Jean Valentin Leyama. « Réunir 12 000 signatures avec NIP nécessite des moyens considérables », a-t-il fait remarquer en s’interrogeant sur la capacité réelle des partis actuels à remplir cette condition. Il estime que seuls les partis soutenus, directement ou indirectement, par le pouvoir en place pourraient atteindre ce seuil.

Le député a également exprimé son inquiétude quant à l’avenir de formations politiques historiques, telles que le PGP de feu Agondjo Okawé, le CDJ d’Ogouliguendé, le Morena, le RPG de Mba Abessole ou encore le PSD de Maganga Moussavou. « Ce sont des partis qui ont joué un rôle important dans l’histoire démocratique du Gabon. Leur disparition serait une perte pour notre patrimoine politique », a-t-il alerté.

La critique d’une majorité mécanique

Pour Jean Valentin Leyama, cette réforme traduit aussi une « rupture de consensus » dans l’élaboration des textes politiques. Selon lui, les lois relatives aux partis politiques ont toujours fait l’objet d’un dialogue élargi, ce qui n’a pas été le cas cette fois. Il déplore en outre que des élus, nommés par le président de la République, privilégient une posture de loyauté politique au détriment de l’indépendance d’esprit. « Beaucoup ne veulent pas déplaire au chef de l’État, par calcul ou par espoir d’investiture, d’où cette majorité mécanique qui se dessine », a-t-il dénoncé.

Des obligations renforcées pour les partis

Outre le seuil d’adhésion, la nouvelle loi impose aux partis politiques de disposer d’un siège officiel, d’un compte bancaire, d’organiser des congrès réguliers et de faire vivre leurs structures statutaires. L’État pourra désormais suspendre temporairement une formation en cas de manquement grave ou de trouble à l’ordre public. Autre nouveauté : la radiation automatique des partis ne participant pas à deux scrutins consécutifs de même nature.

Un contrôle renforcé des financements publics et privés est également instauré, avec une obligation de reddition des comptes devant la Cour des comptes. Ces réformes s’inscrivent dans le cadre de la refondation institutionnelle entamée depuis la transition politique du 30 août 2023. Le Comité chargé de proposer un nouveau cadre législatif pour les partis politiques avait été mis en place par décret présidentiel en mai dernier. Avec ces nouvelles règles, les autorités affichent leur volonté de moderniser la vie politique gabonaise. Reste à savoir si cette volonté de rationalisation ne se traduira pas, à terme, par une restriction de la pluralité politique

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